Animatrice télé, ?glantine ?méyé, est aussi la maman de Samy, 10 ans, polyhandicapé, autiste et épileptique et de Marco, 13 ans et demi. Elle raconte dans son livre son quotidien avec ses fils, son désarroi devant le peu de soutien accordé aux parents d?enfants handicapés. Sa décision aussi de confier Samy à une structure de soin.
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Pendant huit ans, vous vous êtes occupée de Samy, nuit et jour. Vous dormiez très peu parce que votre fils hurlait, s?automutilait?
Quand je posais des questions sur l?aggravation des troubles du comportement de Samy, on me reprochait de ne pas suivre ses traitements à la lettre. S?il allait plus mal, cela ne pouvait venir que de moi, sa mère qui ne savait pas gérer. J?étais épuisée et en colère. On me demandait d?être la thérapeute de mon enfant, moi, je voulais simplement être sa maman. Si encore ces professionnels m?avaient dit : « Vous ne savez pas comment gérer les nuits ? Laissez-nous Sammy quelques jours, on va vous aider ». Personne ne me l?a jamais proposé.
Vous n?aimez pas l?expression « mère courage » ou les remarques du type « ma pauvre, ça doit être vraiment dur pour toi ». Qu?avez-vous envie de dire à l?entourage des parents qui n?osent pas ou ne savent pas comment proposer leur aide ?
Dire à une maman d?enfant handicapé « ma pauvre », avec un regard apitoyé, ce n?est pas terrible. Je l?ai pourtant souvent vécu. J?aurais préféré qu?on me dise : «? ?a doit être dur, mais si tu as besoin de quoi que ce soit, n?hésite pas. » Je ne leur aurais sans doute pas confié Samy car je peux comprendre que ce soit compliqué, mais j?aurais pu avoir besoin d?aide pour faire des courses ou jouer avec son frère Marco. Je n?ai pas senti de porte ouverte alors je n?ai pas osé.
Qu?avez-vous ressenti en déposant Samy à l?hôpital pour la première fois, à 800 km de chez vous ?
J?ai beaucoup pleuré. J?ai eu du mal à prendre cette décision parce que je trouvais cruel de laisser mon enfant loin de moi alors qu?il n?avait que 8 ans, et l?âge mental d?un enfant de 1 an et demi. Je me disais que je ne saurais pas si quelque chose n?allait pas. J?ai vite compris que je me trompais, que cet éloignement était vital pour lui. Il avait besoin d?une structure hospitalière compte tenu de ses nombreux problèmes de santé et l?hôpital de jour est devenu sa maison. Je ne suis plus responsable de la prise en charge des soins et on me laisse enfin être ce que je suis : la maman de Samy.
Avez-vous craqué par moments ?
Je me demande comment j?ai pu tenir ces huit années. Par amour, mais aussi parce que je n?avais pas le choix. Quand Samy est entré à l?hôpital, j?ai eu très peur de faire une dépression. Je me disais que si j?avais tenu jusque-là, tout allait s?effondrer d?un seul coup. J?ai parlé de mes difficultés à une psychologue, j?ai écrit un livre et j?ai rempli mon emploi du temps ! On n?ose pas confier son enfant en se disant que d?autres ne feront pas aussi bien que nous, c?est vrai. Mais il y a aussi beaucoup de lieux où des gens s?en occupent de manière formidable. Il ne faut pas hésiter à demander un peu d?aide quand c?est nécessaire et ne pas attendre de craquer pour le faire.?
Vous avez écrit un livre, réalisé un documentaire et vous avez la possibilité de vous exprimer dans les médias. Que dites-vous justement à ces parents qui n?ont pas de porte-voix ?
Ce que j?ai écrit dans mon livre ou raconté dans le documentaire, de nombreux parents le vivent. Je trouve admirable ces familles qui portent leur enfant à bout de bras, parfois pendant de très longues années. Moi, je ne m?en sens pas capable, ni coupable. On fait ce qu?on peut, avec les moyens et les ressources qu?on a. Il ne devrait pas y avoir de jugement à porter sur ce qu?un parent est capable de faire ou pas, sur les méthodes choisies. Je n?en défends d?ailleurs pas une plutôt qu?une autre. Je défends tout ce qui marche avec mon fils. Il y en a assez de cette culpabilité que l?on fait peser sur tant de parents.
Qu?est ce qui selon vous pourrait être amélioré ?
Le monde du handicap est très dur. Les parents sont obligés de remplir des dossiers sans arrêt. Les professionnels, notamment de MDPH, devraient venir chez nous voir comment ça se passe au lieu de s?imaginer qu?on en demande trop et que ce n?est peut-être pas justifié. Nous aurions moins l?impression d?être des numéros de dossiers. Je regrette qu?il n?y ait pas de solutions plus humaines et plus en phase avec la réalité du quotidien des familles. Des vraies solutions de soutien et de répit, des places en établissement dont la France manque cruellement.
« Quand Samy est entré à l?hôpital, j?ai eu très peur de faire une dépression. Je me disais que si j?avais tenu jusque-là, tout allait s?effondrer d?un seul coup »
? découvrir :
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Mon fils, un si long combat, documentaire ?glantine ?méyé, 2014.
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Le voleur de brosses à dents, ?glantine ?méyé, éd. Robert Laffont, 20 ?.
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