Pédopsy de la télé et directeur médical de l?espace méditerranéen de l?adolescence à l?hôpital Salvator à Marseille, Marcel Rufo aime raconter des histoires. Dans son ouvrage Tiens bon !, il fait le récit de sept « cas », sept personnes qu?il a aidées. Nous l?avons rencontré. Extraits.
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Dans Tiens bon !, vous insistez pour montrer que l?histoire des individus est souvent tout autre que celle tracée par le diagnostic. Malgré le handicap ou la maladie grave, une partie du destin de chaque personne reste entre ses mains.
C?est tout le problème du diagnostic et du pronostic, des outils utilisés à tort si cela aboutit à figer les individus dans un avenir tout tracé. D?ailleurs, les études scientifiques, pour peu qu?elles soient longitudinales, c?est-à-dire dès qu?elles portent sur des années, montrent que les trajectoires sont extrêmement variées. Cette semaine, j?ai interrogé un cancérologue qui s?occupe d?une dame que je connais et qui a un « mauvais » cancer. Il m?a répondu : « Tu sais, avec le cancer, on ne sait jamais. » C?est important de dire et de répéter cela : même en cancérologie, on ne sait jamais ce que l?avenir apportera, alors vous imaginez, en pédopsychiatrie !
Est-ce que votre espace de travail se situe là, dans le « possible » ?
Au fur et à mesure que je progresse dans mon métier, je ne fais plus de diagnostic ; je m?occupe des individus, c?est plus efficace.
Pourtant, cela peut faire du bien de connaître un diagnostic, pour un parent qui ne comprend pas pourquoi son enfant va mal.
Bien sûr, c?est déculpabilisant, et on est heureux quand le biologiste décèle une anomalie qui explique les difficultés d?un enfant. Mais une fois que le diagnostic est posé, rien n?est dit?
Pour moi, la place du parent, c?est de devenir le supporter de son enfant et de l?accompagner avec ses difficultés, inconditionnellement. Quand ça va mal, les parents sont là pour détenir une réserve d?espérance, se dire qu?il y aura toujours un rééducateur malin qui arrivera mieux qu?un autre à débloquer les choses, un psy avec lequel l?enfant s?entendra bien, un médecin qui explorera de nouvelles pistes.
Parents « supporters », cela signifie que lorsqu?on leur dit de ne pas rêver, ils doivent résister, se boucher les oreilles ?
Oui, il est plus productif de rêver que de se sanctionner. ? l?égard d?un enfant, le psy n?est pas engagé sur le plan affectif, mais il peut partager un rêve d?évolution avec la famille. Il y a des imbéciles en psy infantile comme ailleurs, mais aussi beaucoup de gens qui savent épauler, soutenir la famille et les soignants qui baisseraient les bras autour d?un enfant qui va mal. Et je défends aussi le droit d?un enfant à être entendu, y compris du côté de ses envies de liberté, dans un climat de bienveillance et de confidentialité que peuvent offrir des psys. [?
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Propos recueillis par Sylvie Boutaudou
Retrouvez la suite du «?Grand entretien?» dans Déclic n°147 (mai-juin 2012)
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