Matthieu, petit soldat de plomb, Antonio qui voit sans regarder, Noémie au petit foulard, Coline, Nourredine, Florian, Mathéo, Luc?
neuf portraits d?enfants porteurs de polyhandicap.
Matthieu, petit soldat de plomb
Il a peut-être 10 ans, mais son corps est maigre et petit, il ressemble à celui d?un enfant de 6 ans. Quand on l?installe sur la table d?examen on le prend dans nos bras, c?est un poids plume. Sa mère l?habille avec des vêtements trop grands, pour cacher. On le déshabille comme on déshabillerait un pantin de bois à peine articulé, il est tout raide jusqu?au bout des doigts. Et puis on le regarde, on lui parle, on le touche avec une caresse et le bois se détend un peu. On peut mobiliser ses articulations doucement, tout doucement. Si on fait trop vite le bois devient fer forgé, on ne pourra même plus lui plier les jambes pour l?asseoir. Il faudra attendre. Attendre qu?il se détende. Ce sera long. Aujourd?hui on manque de patience, il le sait et ça le contracte?
Antonio, qui voit sans regarder
C?est un petit garçon, perdu au milieu d?un siège. Il est assis dans une coquille bleue, elle-même assise dans un fauteuil roulant. Sa tête est tombée sur son thorax, la main de sa mère sur son front la relève délicatement pour dévoiler son visage à l?inconnu qui le regarde.
Ses yeux regardent partout sans regarder, il ne les pose nulle part. Ses yeux? jouent ensemble, se rapprochent s?éloignent se cachent parfois sous une paupière, peu importe cet inconnu qui le regarde. Semble-t-il. Semble-t-il seulement parce qu?un instant fugitif ses yeux se sont tous les deux tournés vers moi. Qui es tu?? Ont-ils demandé.
Noémie au petit foulard
Elle a toujours un foulard en coton autour du cou, noué dans la nuque, en pointe devant. Et une odeur autour d?elle, une odeur âpre, de chaleur humide. Sa bouche est ouverte et sa salive coule continuellement sur le foulard changé dix fois par jour. «?Elle en a de toutes les couleurs?», dit la maman. Autour de la bouche c?est un peu rouge avec des petits boutons?; elle est toujours mouillée, toute irritée. On n?a pas envie de l?embrasser.
Céline, si? fragile
Elle tremble toute. Depuis la tête jusqu?au bout des pieds, tout le temps. Elle est maigre, blanche, les yeux dans le vide. Les yeux d?un bleu pastel encore jamais vu. On n?ose pas la porter, on a peur qu?elle nous échappe, qu?elle se casse. Sur son ventre il y a un bouton-pression en plastique. Il ferme un trou qui lui permet d?être nourrie par une sonde directement dans l?estomac, parce qu?elle ne mâche pas et n?avale pas. On a été obligé, sinon on la perdait.
Quand elle n?est pas contente elle grince des dents. Quand elle est heureuse elle est calme et détendue.
Nourredine, grand et fort
Il est grand maintenant, il a de la moustache. Son corps est beau, musclé, encombrant aussi. Il bouge ses jambes sur la table d?examen, mais ses jambes n?ont pas assez de force pour supporter le poids de son corps debout. Un jour en voulant étendre sa jambe de force pour le mesurer, on lui a cassé l?os, sans faire exprès.? On ne s?en est pas aperçu tout de suite. On voyait qu?il avait mal mais il était difficile de définir où et pourquoi. On a fait une radio mais pas de chance, on a ciblé la hanche et c?était le genou?
. Il ne parle pas mais sourit et acquiesce parfois. Quand je lui ai dit?: «?Au revoir jeune homme?», il m?a regardé heureux et souriant.
Coline, petite s?ur de Blanche-Neige
Un visage d?une splendide beauté. Elle ressemble à Blanche Neige avec sa peau blanche et rose à la fois, ses cheveux noirs et ses grands yeux bleus. Elle non plus ne marche pas. Ses bras et ses mains sont animés de mouvements parasites qu?elle ne contrôle pas. Il faut les lui tenir parfois. Ses mains ne peuvent pas prendre d?objet. On ne peut que les regarder se mouvoir dans tous les sens.
Florian en photo
Lui n?est pas vraiment polyhandicapé, ou peut-être l?est-il après tout, ou peut-être pas. Je ne sais pas s?il entre dans la définition. Il dit dix mots. Il ne les dit qu?à sa mère. Il a pris la photo que je lui donnais mais il s?est amusé à la décoller. Je ne suis pas sûre qu?il ait compris ce que c?était. «?C?est toi quand tu es arrivé ici?»?: qu?est ce que ces mots peuvent signifier pour lui??
Mathéo se cabre
Il est sur les genoux de sa grand-mère lorsque je l?examine, car il ne supporte pas bien d?être allongé sur la table d?examen. Il se tend, et lorsqu?il se tend ses coudes se retournent. On a mal pour lui, mais lui ne semble pas souffrir. On s?approche, on lui parle, on le touche, le caresse et tout doucement on parvient à donner à son coude une allure normale, dans le bon sens, coude fléchi. Il regarde, il sourit, comme s?il nous avait fait une bonne blague. C?est sa manière de se manifester?: il se cabre. Sur la table d?examen il fait pareil, et quand on lui parle, qu?on le rassure, il repose les fesses sur la table. Il voulait juste dire son inquiétude. Mais comment le dire autrement quand on ne bouge pas, qu?on ne parle pas??
Luc s?ennuie
C?est un grand garçon, assis dans un corset siège dans un fauteuil roulant que sa maman pousse. Il ne tient pas bien sa tête. Il s?ennuie et quand il s?ennuie, il mord, rogne, ronge le dos de son poignet. Sa maman lui a mis un gant en cuir pour que sa peau ne souffre pas trop.? Il ne prend pas les jouets que l?on met dans sa main. Quand il est allongé, il bouge volontairement la jambe droite qu?il plie et déplie en tapant sur la table et il lance sa main au-dessus de sa tête, il parvient alors à tenir quelque chose.
Je me place à la tête de la table d?examen et il essaie de m?attraper avec son bras au-dessus de la tête. Il tient ma main.
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