Six jours pour accepter la trisomie 21 |
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13-07-2009 |
«?J?ai mis six jours pour accepter Sara dans ma vie (?
). Le deuxième soir, j?ai souhaité qu?elle ne vive pas. » Papa d?une petite fille atteinte de trisomie 21, Jérôme Ruillier, illustrateur, raconte en images la naissance, l?annonce du handicap et toute la gamme de sentiments par lesquels passent les parents. Qu?on ne s?y trompe pas?: le trait est simple, le texte est bref, mais cette BD autobiographique bouleverse par sa sincérité. Rencontre avec l?auteur.
Le c?ur-enclume est un récit autobiographique. Est-ce vraiment ainsi que cela s?est passé??
Jérôme Ruillier?: Aujourd?hui ma fille a 10 ans, j?ai commencé ce récit quand elle en avait 6. Du temps s?est écoulé depuis sa naissance, mais cela m?a permis d?oublier tout ce qui était anecdotique et de ne conserver que l?essentiel. J?ai eu le sentiment que ce n?était pas que mon histoire, mais que je pouvais la partager. Car le problème n?est pas la trisomie 21, mais la différence à laquelle tout le monde se trouve un jour ou l?autre confronté.
C?est une histoire vraie, alors pourquoi avoir choisi des têtes de chat pour vos personnages??
J?avais commencé par dessiner des personnages avec des vraies têtes, mais j?avais besoin de protéger ma famille et de mettre un peu de distance. J?ai donc changé les prénoms et ai adopté ces têtes de chat ou d?ours. C?est un bouclier pour moi, mais aussi un filtre pour le lecteur. Cela lui permet de recevoir l?histoire avec moins de violence.
Est-ce que votre fille a lu l?album?? Qu?est-ce qu?elle en a dit??
Je lui ai parlé de mon travail depuis que je l?ai commencé quand elle avait 6 ans. Je lui ai lu. Pour le moment, elle est contente de savoir qu?elle est l?héroïne d?un livre. Elle en aura peut-être un deuxième niveau de lecture un peu plus tard.
Deux doubles pages de l?album racontent les difficultés du corps médical pour annoncer le handicap. Vous en voulez aux médecins??
Non, je crois que le médecin qui m?a annoncé la trisomie 21 de ma fille a fait ce qu?il a pu. Il a été très maladroit, mais pas par méchanceté. La différence fait peur et il ne trouvait pas les mots. Moi-même quand j?ai voulu annoncer la naissance de notre petite fille à la famille, aux amis, aux voisins, je ne savais pas comment m?y prendre.
Vous avouez votre difficulté à accepter Sara. Pourquoi cette franchise??
Je n?étais pas du tout préparé au handicap et mon premier sentiment a été de le rejeter. C?est un sentiment naturel et les parents n?ont pas à rester dans la culpabilité de penser que leur enfant disparaisse sans oser le dire.
Aujourd?hui est-ce que vous avez totalement accepté Sara?? Est-ce qu?il n?y a pas des jours où vous rêvez que vous la perdez??
Les six premiers jours dont je fais le récit ont été fondateurs. J?ai vraiment accepté ma fille, mais ça ne veut pas dire que c?est facile. On croit être serein, mais c?est encore parfois douloureux. Devant Sara, ça nous arrive de dire qu?on en a marre de sa trisomie 21, mais il n?y a pas que ça. On vit des choses extraordinaires, notre fille nous ouvre des portes.
Comme Jean-Louis Fournier l?écrit dans Où on va papa?? , je pense qu?on peut rire du handicap et jouer à «?et si il n?était pas là?
?».
Le c?ur-enclume, Jérôme Ruillier, éd. Sarbacane, 16,50 ?.
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