La rédaction de Déclic invite régulièrement les parents d?enfant handicapé à venir échanger autour des thématiques qui intéressent la famille et l?entourage des enfants handicapés. Morceaux choisis de la rencontre qui s?est tenue à Paris le 29 avril 2005.
Les participants
Annick est la maman d?Alex, 16 ans, atteint du syndrome de Williams et Beuren, et de Charlotte, 11 ans.
Françoise est la maman de Théo, 17 ans, infirme moteur cérébral, et de Nathan, 21 ans.
Virginie est la maman d?Angèle, 6 ans, atteinte d?une maladie neurologique sans diagnostic, et d??tienne, 10 ans.
Christelle est la maman de deux jumeaux, Enzo et Emmanuel, 4 ans. Emmanuel est infirme moteur cérébral.
Christine est la maman de Jérôme, 15 ans, d?Anaëlle, 10 ans, infirme motrice cérébrale, et de Léa.
Des signes qui ne trompent pas
Annick La relation entre ma fille Charlotte et son frère, Alex, atteint du syndrome de Williams et Beuren, est très conflictuelle. Je reconnais que je passe peu de temps avec Charlotte, qui a d?ailleurs tendance à me le reprocher. Elle peut être violente dans ses propos, et n?hésite pas à nous lancer : « Si j?étais handicapée, vous vous occuperiez plus de moi ! Mon frère est grand, il n?a plus besoin de vous ! » Qu?elle exprime sa colère est une bonne chose, mais la situation reste très difficile à gérer pour nous, ses parents.
Françoise Le moindre événement qui survient dans la vie de mon fils Théo, infirme moteur cérébral, va influencer le comportement de son frère, Nathan. Depuis toujours, ils entretiennent une relation complexe, teintée de jalousie. Et même si Nathan dit quelquefois à son frère : « Tu vois que je suis le fils préféré de maman », il pense évidemment le contraire. Attirer l?attention est, pour lui, une façon d?exister. Et cela me montre surtout que je n?ai peut-être pas été suffisamment présente.
Virginie On passe parfois à côté de situations problématiques avec nos enfants, notamment parce que nous manquons de temps. L?institutrice d??tienne nous a convoqués l?année dernière, pour nous parler de la baisse de ses résultats scolaires. D?après elle, cela s?expliquait par les récents problèmes rencontrés par sa s?ur, Angèle, atteinte d?une maladie neurologique. Pourtant, rien ne nous laissait présager quelque souci que ce soit avec ?tienne. Nous n?avions jamais relevé de signes d?inquiétude et nous pensions qu?il était bien dans ses baskets. ? la suite de cet entretien, un suivi psychologique a été mis en place. ?tienne était d?ailleurs ravi d?avoir ses quelques rendez-vous.
Comment compenser ?
Annick Les instants que je ne passe pas avec Charlotte, je les compense par de petits plus. Je trouve mon attitude terrible, et j?ai surtout conscience que ma frénésie d?achat ne remplacera pas le temps que je ne lui ai pas consacré.
Christelle Pour moi, prendre le temps d?aller lui acheter un petit cadeau, ça ne me paraît pas gênant. Bien au contraire ! Je vois dans cette démarche une véritable preuve d?affection. Je ne le fais pas pour me racheter d?un manque quelconque, mais pour témoigner d?une attention à l?égard de mon fils.
Il n?est pas trop tard
Françoise Avec Nathan, on s?offre de temps en temps de petites escapades, loin de tout. Partir à des milliers de kilomètres est le seul moyen, pour nous, de partager un moment agréable. En France, je n?arrive pas à me consacrer entièrement à lui. Théo m?appelle tout le temps, et, de toute façon, je pense sans arrêt à lui. Voyager permet qu?il ne vienne pas parasiter ma relation avec Nathan.
Christelle Enzo est dans sa période chevaliers et forteresses. Récemment, alors qu?Emmanuel, qui est infirme moteur cérébral, était à l?école, nous en avons profité, avec son père, pour emmener Enzo visiter un château fort. Les moments sans son frère sont tellement rares que, lorsqu?ils se présentent, il ne faut pas hésiter à les saisir. Mais il me semble également important de rendre la pareille à Emmanuel. Mettre son enfant dans son verticalisateur et le faire jouer, ce n?est pas véritablement s?en occuper. Alors j?aménage des instants de loisir, à deux, pour lui aussi.
Christine J?ai eu quatre ans et demi d?instants privilégiés avec mon aîné, Jérôme, avant que naisse Anaëlle, qui est infirme motrice cérébrale. Pour la cadette de mes trois enfants, Léa, c?est très différent. On n?a pas eu ce temps d?échange, et je me rends compte aujourd?hui que je suis peut-être passée à côté de quelque chose. Je me dis qu?il n?est pas encore trop tard. Dans peu de temps, Anaëlle va partir en classe de mer avec son école. J?en suis ravie, ce sera l?occasion de profiter un peu de ma benjamine.
Le droit de vivre
Françoise Il y a quelques mois, j?ai créé l?association Les Potes à Théo. L?objectif était de réunir notre entourage et de l?impliquer dans le quotidien de notre fils. Le principe est simple : une fois par an, les adhérents s?engagent à s?occuper de
Théo l?espace d?une journée ou d?un week-end. Beaucoup d?amis ont été séduits par l?idée, et eux qui n?osaient pas interférer dans notre vie de famille sont aujourd?hui complètement déculpabilisés. Quant à nous, parents, ça nous soulage.
Annick Les parents doivent être disponibles pour leurs enfants, mais ont aussi le droit de vivre. Après des problèmes de santé, mon mari avait besoin de repos. Nous avions prévu un petit séjour en couple, et nous comptions passer le relais aux grands-parents pour la garde des enfants. Eh bien, ma fille ne l?a pas accepté. Elle n?a pas hésité à nous lancer : « Vous partez tous les deux ? Vraiment, vous ne pensez qu?à vous ! » Finalement nous sommes partis, et, depuis, ma devise est, en quelque sorte : « Je leur donne ce que je peux leur donner, mais il est aussi essentiel de garder du temps pour soi ! »
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(Source?: Déclic n°107, septembre-octobre 2005)
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