La rédaction de Déclic invite régulièrement les parents d?enfant handicapé à venir échanger autour des thématiques qui intéressent la famille et l?entourage des enfants handicapés. Morceaux choisis de la rencontre qui s?est tenue à Paris le 28 avril 2005.
Les participants
Sophie est la maman de Manon, 5 ans, qui souffre d?un retard global de développement.
Messaouda est la maman d?Hana, 7 ans, qui a une trisomie 21 .
Suzanne est la maman de Martin, 23 ans, qui a une trisomie 21.
Anne est la maman de Juliette, 7 ans, qui a une trisomie 9 partielle .
Valérie est la maman d?Adrien, 10 ans, atteint du syndrome Charge .
?lisabeth et Denis sont les parents de Kévin, 8 ans, qui présente des traits autistiques.
Il ne faut pas lâcher
Sophie Manon, ma fille, a un retard global de développement et beaucoup de mal à communiquer. Nous, parents, n?avons que peu de repères concernant son éducation, et il nous est difficile d?être fermes et de fixer des limites. Le problème vient surtout de notre trop grande disponibilité. Nous sommes à 100 % avec elle. Mais faut-il lui accorder tout notre temps ou la laisser trépigner sans y prêter attention ?
Messaouda Ma fille, Hana, a 7 ans et une trisomie 21. J?ai eu tendance à ne pas lui accorder les mêmes privilèges que ses grands frères. Lorsqu?elle faisait un cauchemar et souhaitait entrer dans notre lit, je refusais, de peur qu?elle ne croie que c?était chose normale. Aujourd?hui je suis convaincue qu?il n?y a pas de recette éducative différente pour un enfant handicapé. Hana est simplement un peu plus lente que les autres, et la clé du succès tient dans la répétition. Pour qu?elle intègre une règle, il faut que je la lui explique le lundi, le mardi et ainsi de suite, jusqu?à ce qu?elle l?ait acquise.
Suzanne Mon fils a aujourd?hui 23 ans. Trisomique 21, Martin a toujours su jouer de son handicap. ? sa majorité, il a souhaité avoir un carnet de chèques ; seulement, il ne savait pas lacer ses chaussures. Nous lui avons alors posé un ultimatum : pas de chéquier tant qu?il ne saurait pas faire seul ses lacets. Il a appris en seulement cinq jours. Je crois que l?on a simplement tendance à sous-estimer nos enfants à cause de leur handicap.
Messaouda Ma fille souffre déjà de sa différence. En étant trop stricte sur certains points, j?ai peur de la blesser plus encore. J?ai fait un important travail sur moi-même et aujourd?hui, quand je n?ai pas envie de partager un moment avec elle, j?arrive à le lui dire. Elle trépigne, sort dans le jardin, claque la porte, lance qu?elle ne m?aime plus. Eh bien, tant pis, moi je l?aime toujours, mais je ne cède pas. C?est une façon de l?aider à se construire.
Je la laisse respirer
Anne Dès la naissance de ma fille Juliette, le kiné nous a avertis qu?elle aurait tendance à jouer de son handicap. Nous avions l?air trop cool, et il nous a conseillé d?être fermes avec elle. J?ai arrêté de travailler. Entre les jeux éducatifs et les nombreuses séances de psychomotricité, Juliette avait un agenda du tonnerre. Depuis qu?elle a rejoint un IME en décembre dernier, elle rentre fatiguée, s?énerve facilement, est moins réceptive. Aujourd?hui je la laisse respirer. Sur ce plan-là, on peut dire que je n?ai plus d?autorité.
Valérie Il faut se mettre à la place de nos enfants. Quand ils rentrent de l?école, la seule chose dont ils ont envie, c?est d?avoir la paix. De quel droit va-t-on leur enlever ça ? Ils en ont d?autant plus besoin qu?ils sont en permanence stimulés, surstimulés. On leur en demande dix fois plus qu?à n?importe quel autre enfant. Quand Adrien, mon fils, rentre le soir, il se vautre devant la télé, on dirait un zombie. Mais ce n?est pas grave. Par contre, à table, je ne le lâche pas. Après un temps de pause, il est essentiel de recadrer les choses.
Suzanne Pour moi, il ne s?agit pas d?être autoritaire ou laxiste, mais plutôt pédagogue. Nous avons aussi essayé les jeux éducatifs, et finalement le baby-foot a pris le relais. L?objectif était de se faire plaisir ensemble, alors nous avons mis en place des occasions de satisfaction. Quand mon fils est heureux, il est plus à même de faire des progrès.
Je n?aime pas avoir le mauvais rôle
?lisabeth et Denis Notre fils Kévin présente des traits autistiques. Il a beaucoup de mal à se concentrer et oscille entre fous rires et crises de larmes. L?important est que nous, parents, soyons tous les deux d?accord. Pour se construire des repères et progresser, il a besoin de cohérence dans son éducation.
Sophie Nous abordons souvent le thème du partage de l?autorité, avec mon époux. Face à Manon, il a tendance à élever la voix et à se rétracter par la suite. Il ne comprend pas l?intérêt de se fâcher avec elle. Mais, pour moi, l?autorité se partage. Je ne trouve pas juste d?avoir le mauvais rôle.
Messaouda ? la maison, je suis la plus présente. C?est moi qui suis amenée à trouver des petites combines pour obtenir des progrès. Le papa d?Hana travaille tard et s?absente parfois le week-end. Alors, quand il est là, il a envie d?en profiter, et je peux le comprendre. Mais je n?accepte pas qu?il sabote tout ce que j?ai réussi à construire pendant la semaine. C?est vraiment important de se mettre d?accord sur la part d?autorité et de jeu de chacun des parents.
Valérie L?autorité est un travail d?équipe. Chacun doit rester à l?écoute de l?autre. Et si l?on met en place un exercice, tout le monde s?y colle.
On n?est pas infaillible
Messaouda Il est important de ne pas vouloir faire de nos enfants des surdoués de leur handicap. Moi qui ai été élevée de manière très stricte, avec Hana, j?ai appris à mesurer. Il faut être le plus naturel possible dans l?éducation et accepter de repartir en arrière pour mieux avancer.
Valérie Est-ce que j?ai le droit ? Est-ce que j?en fais trop ? Est-ce que c?est justifié ? Il faut accepter de douter. Les parents n?ont pas réponse à tout. Comme tout un chacun, nous ne sommes pas infaillibles.
Sophie Dans l?éducation d?un enfant comme dans la vie, il faut composer et s?écouter. Si une maman ne se sent pas l?âme autoritaire, elle a le droit de s?accorder des moments de relâche et de passer l?éponge. Il n?est pas bon d?être dans l?excès, d?un côté comme de l?autre.
(Source?: Déclic n° 106, juillet-août 2005)
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