Il se griffe, se mord l’intérieur des joues quand il est nerveux. Sans s’en rendre compte, de petits gestes auto agressifs se sont immiscés dans son quotidien. Rien d’inquiétant. Mais lorsque le but recherché est la sensation douloureuse, il peut être nécessaire d’intervenir.
Qu’est ce que l’automutilation ?
L’automutilation est un ensemble de blessures auto-infligées, soit de conduites d’agressions répétées envers soi-même : griffures, morsures, coups plus ou moins violents. Même très restreinte sur le plan moteur, une personne peut, dès le plus jeune âge, se taper avec un poing, se cogner le dos contre le fauteuil ou se blesser l’intérieur de la bouche, parfois jusqu’à l’abcès. Ce trouble du comportement touche 8 % à 15 % des personnes handicapées mentales. Chez les personnes autistes, l’automutilation est plus fréquente. En particulier quand la déficience intellectuelle est importante.
Comprendre la cause de l’automutilation
Comportement d’automutilation de type pathologique
L’automutilation peut survenir dans certaines pathologies identifiées comme le syndrome de Lesch Nyan, les insensibilités congénitales à la douleur (neuropathies sensitives), des syndromes génétiques. Certains enfants ont un défaut de perception sensitive nécessaire à la gestion du degré de douleur.
S’infliger des blessures par ennui
L’automutilation n’est pas spécifique à la déficience mentale. Des cas ont été observés chez des personnes en situation d’inactivité, dans l’espace, en prison ou isolées au pôle Sud. Les personnes autistes n’échappent pas à la règle : l’ennui peut être la cause première de comportements inappropriés qui s’installeront durablement si on ne leur offre pas d’occupation.
S’automutiler suite aux traitements médicaux douloureux
Les soins médicaux sont parfois douloureux. Chez certains enfants, ils constituent le phénomène déclenchant de l’acte d’automutilation. Ils auront tendance à reproduire le geste que le professionnel aura exercé sur eux et qui les aura fait souffrir.
Se faire mal à soi-même pour communiquer une douleur physique
Un enfant qui n’a pas la capacité de communiquer s’automutilera pour exprimer sa douleur. Avant de chercher une cause psychologique, il faut s’intéresser à son état physique : a-t-il mal aux dents ? À l’estomac ? Souffre-t-il de migraines ? De douleurs articulaires, constipation ?
Selon Isabelle Desguerre, neuropédiatre à l’hôpital Necker,
La logique topographique de l’automutilation en lien avec la douleur physique n’est pas évidente chez un enfant atteint d’un handicap. S’il a une rage de dents, il ne se mordra pas nécessairement la joue, ou ne mettra pas les doigts dans sa bouche. Il peut très bien s’arracher les cheveux ou se tordre les doigts, il est donc inutile de chercher une concordance.
Se faire violence pour des raisons psychologiques
Lulu a changé de centre dernièrement ? Vous avez déménagé ? Il ne se sent pas bien dans sa classe ? Un mal-être, un changement de rituels, un nouveau mode de vie peuvent suffire à déclencher l’automutilation. Ces situations sont les plus difficiles à évaluer.
Que faire après une mutilation ?
Ce qu’il faut faire pour soulager son enfant automutilé :
- communiquer positivement, en lui expliquant que la situation est triste, par exemple, mais que vous allez l’aider ;
- supprimer l’opportunité de se faire mal et ainsi mettre fin aux rituels :
- s’il porte ses mains à sa bouche, des manchettes l’empêcheront de fléchir les bras.
- s’il se cogne, vous pouvez modifier l’appui de la têtière de son siège moulé, ou lui faire porter un casque qui l’empêchera de se faire mal ;
- détourner son attention, en particulier s’il s’ennuie : l’occuper, le changer de place, lui mettre de la musique ;
- prendre rendez-vous chez votre médecin habituel : il cherchera ce qui l’irrite ou lui fait mal, il lui prescrira dans un premier temps, pour une durée de huit à quinze jours maximum, un traitement antalgique (antidouleur) en cas de douleur physique, ou des anxiolytiques.
Ce qu’il ne faut pas faire après un acte d’automutilation :
- attendre que ça passe ou l’isoler dans un coin : ce comportement entretient la douleur et les rituels d’automutilation
- Lui attacher les mains
- Le gronder
- Lui dire « stop » : l’interdiction augmentera sa rébellion.
Témoignage : comment réduire les moments d’automutilation
Céline Lenoir, maman de Lilou, 9 ans, atteinte de troubles autistiques.
Dans les moments de stress, Lilou a tendance à se frapper le visage, parfois avec des doudous, mais aussi avec des éléments contondants comme des spatules ou des clés. Un jour elle a réussi à se faire un trou au niveau de la joue dont elle garde aujourd’hui la cicatrice. Les massages et la musique douce l’ont beaucoup apaisée, jusqu’à réduire les moments d’automutilation. Nous utilisons aussi un timer : pendant un temps défini, Lilou a le droit de faire ce qu’elle veut, dans la limite de ce qui serait dangereux pour elle. Notre fille s’automutile de manière chronophage. Aujourd’hui elle atteint l’âge de la puberté, et nos techniques fonctionnent de moins en moins en bien. À chaque stade de sa vie il nous faut redoubler d’ingéniosité. Ça demande beaucoup d’énergie. Internet est un outil qui nous est très utile pour trouver de nouvelles idées.
Merci à Isabelle Desguerre, neuropédiatre à l’hôpital Necker.
Vanessa Cornier
Références
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Ressources :
- Les troubles du comportement associés à l’autisme et aux autres handicaps mentaux, Paul Tréhin, Gloria Laxer, Autisme France Diffusion (AFD),
- Fédération Sésame Autisme,
- Association française Lesch-Nyhan Action (LNA), info@leschnyhan- action.org,
- Troubles du comportement, automutilation, stéréotypies, autostimulation : des moyens d’expression à décoder, article de Dany Gerlach.
- Comité d’études, d’éducation et de soins auprès des personnes polyhandicapées (Cesap).