Aussi précise soit-elle, l?évaluation du handicap trahit presque toujours la vérité du quotidien, celle que les familles connaissent si bien. Et pourtant, parents et pros sont obligés de trouver un langage commun pour cerner au mieux les besoins de compensation. L?association Une Souris verte a réuni une trentaine de parents et de professionnels, à Lyon, pour en parler. Morceaux choisis.
Les participants
Nicolas, directeur de l?association Une Souris verte.
Jean-Marc, médecin, qui siège à la commission des droits et de l?autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
Blandine, maman d?Erwan, 6 ans, porteur de trisomie 21.
Sandrine, maman de Paul, 11 ans, porteur de dyspraxie visuospatiale.
Sophie, 38 ans, qui souffre d?infirmité motrice cérébrale.
Valérie, maman de Louison, 12 ans, atteinte d?autisme et de déficience visuelle.
Hélène, grand-mère de Mathieu*, 4 ans, porteur du syndrome de Little.
Christine, maman de Juliette, 18 ans et demi, dyspraxique.
*Le prénom a été modifié.
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Obligés d?argumenter?!
Nicolas (directeur d?Une Souris verte). La nouvelle classification internationale du handicap de l?Organisation mondiale de la santé dresse la liste des facteurs environnementaux à prendre en compte au-delà de la déficience (l?accessibilité des services de santé, le contexte familial, etc.) pour une évaluation au plus près des besoins. Mais qu?en est-il dans la pratique?? L?équipe pluridisciplinaire de la CDAPH?en tient-elle vraiment compte ?
Jean-Marc (médecin).?Je siège à la CDAPH et je dois avouer que je suis déçu de la façon dont les choses se déroulent. On donne encore beaucoup trop de poids au diagnostic médical, au détriment d?autres facteurs comme l?environnement de vie mais aussi les aspirations professionnelles?
Un exemple?: nous avons dû statuer récemment sur le cas d?une jeune femme qui demandait la prise en charge d?une prothèse plus esthétique pour son bras compte tenu du fait qu?elle est avocate et qu?elle est en rapport avec un public dans le cadre de son travail. Il lui fallait 2?000 ? de plus, mais le guide-barème qui sert à déterminer le taux d?incapacité des personnes ne le permettait pas. ? force d?argumenter, sa demande a été validée, mais les choses ne se font pas naturellement.
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Décisions en décalage
Blandine (maman). Pour moi, les équipes techniques chargées de l?évaluation sont trop éloignées du terrain. Pour la question des AVS, par exemple, on laisse trop traîner les dossiers?! Mon fils est porteur de trisomie 21. J?avais fait une demande de renouvellement d?AVS pour son passage en grande section de maternelle, demande qui a été accordée par anticipation. Puis, au printemps 2009, j?ai reçu une notification de renouvellement qui courait jusqu?au mois d?avril 2010. Problème?: mon fils entre au CP et j?estime que le temps partiel de son AVS n?est pas suffisant. On m?a répondu d?attendre un mois d?observation. L?équipe de suivi de la scolarisation s?est réunie le 5 octobre et s?est mise d?accord pour demander une augmentation du nombre d?heures. Oui, mais voilà, la CDAPH ne se réunit qu?en décembre?
Sandrine (maman). Il y a aussi des décisions étranges. Parfois, des heures d?AVS sont évaluées et accordées, puis, dès que l?enfant commence à se sentir plus à l?aise, on revient sur la décision pour réduire l?accompagnement. Les équipes d?évaluation ne semblent pas au courant, mais le handicap ne disparaît pas entre le lundi et le mardi?
Pourquoi lui coller un chiffre de QI??
Blandine (maman). Toujours dans le cadre de l?évaluation, la psychologue scolaire a voulu déterminer le quotient intellectuel de mon fils. Mais, selon moi, elle n?a pas l?aptitude pour lui faire passer un test psychologique. Qu?a-t-elle suivi comme formation en lien avec le handicap?? Et puis je ne vois pas l?intérêt de lui coller un chiffre supplémentaire. Ce n?est pas du tout adapté au handicap mental?!
Sophie (en situation de handicap). Après le dépôt de mon dossier à la MDPH, j?ai eu droit à la fameuse visite à domicile, c?est-à-dire que j?ai reçu chez moi deux personnes qui ont rempli un questionnaire totalement dénué de sens?
En effet, si l?on en croit les réponses, je suis capable de tout faire, je suis Superwoman, alors qu?en réalité j?éprouve de réelles difficultés dans mon quotidien?! L?évaluation a duré deux heures montre en main, et ils n?ont rien observé du tout. Je pense qu?ils devraient laisser les personnes leur montrer les difficultés qu?elles rencontrent. S?ils étaient venus avec moi au supermarché, ils auraient compris?
Double handicap?: l?impasse
Valérie (maman). On parle beaucoup de l?évaluation au plus près des besoins de la personne. Alors comment se fait-il que la coexistence de deux handicaps paraisse inimaginable pour la MDPH?? Ma fille est autiste et malvoyante, elle a donc besoin d?un double accompagnement?! Pourtant, ça ne passe pas, je n?arrive pas à faire accepter l?idée que deux services interviennent en même temps auprès d?elle. C?est comme s?ils me demandaient de choisir entre les deux handicaps.
Jean-Marc (médecin). Le problème, c?est que l?on a demandé aux équipes et aux établissements de se spécialiser par type de handicap (moteur, sensoriel, mental, etc.). La réponse la plus logique serait la double prise en charge, mais, en l?état actuel des choses, ce n?est pas possible.
Focus sur?
Une Souris verte
Cette association a été créée en 1989 à Lyon afin de mettre en place une halte-garderie qui accueille des enfants porteurs d?un handicap en compagnie d?autres enfants. Vingt ans plus tard, Une Souris verte continue de sensibiliser à la différence et d?inclure les jeunes enfants en situation de handicap dans la société. Pour cela, elle pilote notamment une structure multi-accueil, anime chaque mois un Café des parents, mais aussi informe les familles et les professionnels grâce à son centre de documentation et au portail de ressources www.enfantdifferent.org.
?Plus d?infos?: 04 78 60 52 59 ou
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, www.unesourisverte.org
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