La mort peut être naturelle, évidente, mais aussi longue à venir, souhaitée par les uns, redoutée par les autres, négligée ou encore accompagnée...
? 15 ans et trois mois. on n?est plus une enfant?
La? mort est parfois naturelle, à la fois évidente et inattendue. Violette avait le teint cadavérique depuis très longtemps, disait l?orthophoniste. La maman venait environ trois fois par an pour faire le point, revoir les installations assises, entendre la bonne parole. Cela faisait dix ans. Elle venait de la campagne, elle sentait la chèvre et nous offrait du fromage de sa fabrication. Et puis, en fin de journée, elle repartait en VSL, avec Violette au teint si pâle. Et puis quand Violette a eu 15 ans 3 mois, on a fermé la porte de la pédiatrie et cette maman a été orientée avec son enfant vers une consultation? pluridisciplinaire dans un autre hôpital, avec d?autres soignants. Elle nous a dit combien cela l?affligeait de devoir nous quitter, de devoir faire confiance à d?autres?
On a essayé de la rassurer. Mais il y a des règles. Il faut les suivre.
Elle avait rendez-vous dans cet autre hôpital le 15 janvier. Elle n?est pas venue. Violette est morte dans la nuit du 13 janvier.
«?Je ne sais pas s?il faut aller jusque-là?»
La fin est parfois au contraire ressentie comme trop longue à venir, souhaitée par les uns, redoutée par les autres.
- «?Docteur, vous avez un message. Un médecin de l?hôpital général demande à vous parler au sujet de Louis D., un homme très handicapé. Un problème éthique, a-t-il dit.
- Allô?? oui, vous avez demandé à ce que je vous rappelle?
-Euh??! Ah Oui?! C?est pour un patient qui a une quarantaine d?années qui a un handicap très important, on lui a posé une gastro, mais il a fait des occlusions à répétition, on a essayé une jéjuno, mais cela ne change rien, il se bouche tout de suite. Il est chez nous depuis deux mois, il a considérablement maigri. On ne passe que les médicaments par la sonde. Il n?avale rien par la bouche. On n?a plus qu?une solution, mettre une voie centrale. Je ne sais pas s?il faut aller jusque-là. Il a l?âge mental d?un nourrisson.
- Que disent les parents??
- Qu?il ne faut pas le laisser mourir.
- Où vit-il??
- Dans une MAS où il n?y a pas de médecin ni d?infirmière qui pourrait assumer la surveillance d?une voie centrale.
- Il faudrait que ceux qui sont concernés d?un point de vue médical se réunissent pour discuter d?une position éthique commune, puis en parler aux parents. Il faut discuter longtemps avant qu?une solution apparaisse claire pour tout le monde. Je peux vous aider si vous voulez.
- Oui ce serait bien.
- Il faudrait que je vienne voir le patient un jour où sa mère est présente.
- D?accord.
- Je cherche une date, après-demain peut être?
- Non, ce n?est pas pressé, lundi de la semaine prochaine, cela ira très bien.?»
La semaine suivante
-Docteur, il y a un message pour vous. Le patient que vous deviez aller voir aujourd?hui à l?hôpital général est décédé.?»
Pas de temps pour le grand Raphaël
La mort peut être? totalement insignifiante, négligeable, négligée?
C?est un médecin dans un IME. Il est dans son bureau, il discute avec une kiné qui est venue pour regarder des dossiers médicaux pour une étude clinique sur des personnes polyhandicapées. Il est content, car il se morfond tout seul dans cet établissement.
Le téléphone sonne. Il décroche?:
- «?Oui??...le grand Raphaël?? Oui. Une fausse route?
.Oui. Je viens dans un petit moment, d?accord.
Il discute. 30 minutes environ. Le téléphone sonne.
-Oui?? Il ne va pas bien. Bon OK, j?arrive.
Il discute. Dix minutes. Le téléphone sonne.
- Comment?? Il est mort???»
La bonté d?un anesthésiste
La mort peut être attendue, la personne peut être accompagnée et la mort peut être un moment de vie exceptionnel qui permet à chacun de grandir en humanité.
Depuis un accident, Pierre ne parle pas et ne bouge pas, il ne tient même pas assis. Son corps est en hypertonie permanente. Il a 5 ans, cela fait trois ans que, chaque jour, un thérapeute, un kinésithérapeute, un orthophoniste ou un psychomotricien se déplacent pour tenter d?entrer en contact avec lui, pour le masser, pour lui parler, pour écouter ses parents aussi.
Sa cuisse est enflée, chaude. On fait une première radio?: rien d?anormal. Un traitement anti-inflammatoire. Pas d?évolution. On refait une radio. On voit la fracture du col fémoral. Lorsque la kiné s?est rendue à son domicile ce jour-là, elle a voulu le mobiliser et à peine a-t-elle levé sa jambe qu?il s?est mis à trembler de tout son corps avec des grimaces de douleur. Il n?a pas crié?: il ne crie pas, aucun son ne sort plus de sa bouche depuis l?accident. Mais la kiné a vu la douleur. Pas besoin d?une échelle pour cela. Elle avait mal pour lui. C?était mardi. Il faudrait attendre le lundi suivant, cinq jours pour qu?il voit un chirurgien qui connaisse les enfants polyhandicapés et accepte la discussion longue et difficile avec la famille pour savoir ce qui conviendrait le mieux?: plâtre, traction?? Le plus important était de soulager l?enfant. Un anesthésiste a accepté d?introduire la morphine, à petites doses. Les parents restaient à côté de lui, lui tenant la main, lui racontant ses histoires préférées. Il était calme, reposé. Il a décliné tout doucement pour franchir la porte de la mort dans les bras de ceux qui l?aimaient.?
Selon la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie «?si le médecin constate qu?il ne peut soulager la souffrance d?une personne, en phase avancée ou terminale d?une affection grave et incurable, quelle qu?en soit la cause, qu?en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d?abréger sa vie, il doit en informer le malade, la personne de confiance, la famille ou à défaut, un proche.?»
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