Benoîte Groult : « Toutes les vies sont précieuses »
28-08-2012
Benoîte GroultFéministe affirmée depuis la parution en 1975 d?’Ainsi soit-elle, un livre qui a marqué toute une génération, Benoîte Groult n?’a cessé de dénoncer les inégalités homme-femme et leurs répercussions dans le quotidien des mères. Rencontre.


Vous dénoncez les discours qui culpabilisent les femmes, les enferment dans un rôle de mère nourricière. Les mamans qui doivent faire face au handicap de leur enfant ne sont-elles pas concernées encore plus que les autres ?
On a toujours culpabilisé les femmes, c?’est par ça qu?’on les tient. D?’un côté on leur demande de passer les mêmes diplômes que les hommes, de l?’autre on leur explique qu?’il est très mauvais de ne pas vouloir allaiter, de ne pas faire elles-mêmes la purée de carottes pour leurs enfants ou d?’utiliser des couches jetables?… Tout cela est d?’autant plus vrai pour les mères d?’enfants handicapés, dont le quotidien ressemble au parcours de la combattante. Car en France, contrairement à un pays comme la Suède, nous sommes en retard pour l?’aide personnalisée à l?’école, l?’enseignement adapté, l?’adaptation des locaux?… En plus, dans le discours ambiant de culpabilisation, les mères d?’enfants handicapés sont les premières à devoir réintégrer le foyer.

Pourquoi ?
Le handicap sonne souvent la fin de la vie professionnelle de la femme et le retour à la maison pour accompagner son enfant. Personnellement, j?’ai vu se volatiliser deux ou trois femmes, dont une comédienne assez connue, qui a été confrontée au handicap de son enfant. Son mari a poursuivi une carrière littéraire et elle est partie en province avec son enfant handicapé.
Il assurait la vie du ménage, il s?’est fait connaître, mais elle a disparu de la surface de la Terre?… Beaucoup de femmes restent dépendantes financièrement de leur époux. Cela ne peut pas évoluer si on leur demande de rester à la maison. Il faut que les choses changent, que la prise en charge soit plus égalitaire, que les femmes soient mieux aidées par la collectivité pour la scolarité, les déplacements?…

Avez-vous déjà imaginé ce qu?’aurait été votre vie si vous aviez eu un enfant handicapé ?
Je me le demande souvent. Une de mes amies a eu un enfant trisomique et a fait le choix de le placer dans un institut. J?’ai compris cette décision. Devoir faire face au handicap de son enfant, c?’est un engagement à vie que tout le monde ne peut pas assumer. De nombreuses femmes ont quitté un avenir, une vie qu?’elles aimaient, une autonomie?… Bien sûr, on ne demande jamais à un homme un tel sacrifice. J?’ai compris cette amie qui n?’avait pas envie de sacrifier sa vie à une autre vie. Toutes sont précieuses. Et chaque femme doit pouvoir vivre sa vie de femme, d?’où la nécessité de faire avancer les choses.

Propos recueillis par Aude Ristat

Retrouvez la suite du «?Grand entretien?» dans Déclic n°149? (septembre-octobre 2012)

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