Une étude clinique médicale a été menée en 2005 sur une population de 30 enfants atteints de polyhandicap. L?idée était d?estimer la qualité de vie de cette population. Devant les capacités motrices et de communication proches de celles d?un bébé, une échelle d?évaluation de la qualité de vie du nourrisson a été utilisée.
Elle était remplie par les parents. La surprise a été de constater qu?ils estimaient la qualité de vie de leur enfant polyhandicapé comme bonne. Les résultats moyens étaient même légèrement meilleurs que ceux de la population générale. Pouvait-on en conclure que leur qualité de vie était meilleure?? Probablement non : ce type d?étude présente trop de biais pour affirmer une telle conclusion. Par contre des hypothèses peuvent être proposées?: les parents de ces enfants n?attendent pas davantage de leur enfant que ce qu?il peut donner. Ainsi les enfants polyhandicapés ayant les capacités d?enfants de moins de 1 an, les parents ont adapté leurs exigences.
Dans tous les cas, l?évaluation de la qualité de vie d?une personne ne peut être appréciée par quelqu?un de trop éloigné de la personne évaluée.
«?C?est le plus gentil des enfants?
?»
Le discours des parents vis-à-vis de leur enfant n?est qu?exceptionnellement négatif. On peut entendre?: «?c?est le plus gentil des enfants, il me comble de tendresse, il est sociable, il aime la vie, il m?a apporté tant de choses?
.?»
Voici ce que la maman d?Hakim écrit ?: «?Son handicap est très lourd, mais ce n?est pas un légume. Il a des sourires de satisfaction, de joie, des rires, il connaît la peur. Il a la mémoire des bonnes et des mauvaises expériences, la mémoire des personnes, des lieux. ? l?hôpital, il ne sourit pas, il ne pleure pas. Quand on me dit que c?est dur de vivre avec un tel enfant et de telles contraintes, je réponds?: "?Qu?est ce que la vie?? " Dans le voisinage, la semaine de Noël, un jeune s?est tué en moto, il avait 16 ans. 16 ans d?efforts et de rêves d?avenir anéantis. Parfois ces jeunes accidentés restent handicapés à vie, eux aussi. Comment?peut-on vivre ainsi ? Qui en juge?? Je laisse la question aux philosophes, aux médecins qui soignent (jusqu?où??). Peut-être qu?un jour la vie se chargera de me répondre. Mais pour l?instant mon fils vit sans souffrances, apparemment c?est un beau garçon. Et c?est mon fils.?»
L?enfant polyhandicapé sait se faire aimer, sait répondre à une attente d?affection et de tendresse qui peut suffire à? combler des parents, pour peu qu?ils ouvrent les bras pour recevoir quelque chose de lui.
«?Il est devenu tyrannique?»
Mais l?enfant polyhandicapé sait aussi se faire haïr. La qualité de vie de l?enfant et surtout des parents paraît atteinte sévèrement quand l?enfant devenu tyran manifeste sa frustration par des cris incessants. Parfois, il ne supporte que les bras de ses parents. Il ne veut en aucun cas être assis dans un siège si confortable soit-il et il crie et pleure jusqu?à obtenir satisfaction. Ainsi une maman passait sa vie sur le divan, son enfant dans les bras depuis?
plus de 10 ans. Parfois un des deux parents, souvent la mère, dort dans le lit de son enfant, oubliant sa vie de couple. Au début sa présence près de l?enfant permet qu?il s?endorme puis, petit à petit, sa présence permanente devient nécessaire pour qu?il s?apaise et reste endormi. Certains enfants n?acceptent d?être nourri que par une seule personne. Aussitôt les frères et s?urs sortis du domicile pour aller à l?école, ils manifestent leur solitude par des grognements stridents.
Ces situations de tyrannie peuvent devenir invivables pour l?entourage. Mais cette question relève de l?éducation de l?enfant plus que de sa déficience. Il n?existe pas de lésions cérébrales responsables de tyrannie. L?enfant a son caractère propre, des défauts et qualités qui ne sont pas à rattacher à tout prix à son handicap.
Bien sûr, la déficience importante de l?enfant?rend l?éducation plus difficile : les parents n?osent pas gronder leur enfant, par exemple. Ils ont parfois besoin d?être aidés pour comprendre à quel point cette attitude est néfaste pour leur enfant et pour la famille. Une femme peut consacrer plus de deux heures chaque jour, à chaque repas, pour nourrir son enfant si cela répond à un besoin vital. Elle peut avoir la satisfaction de se sentir une bonne mère, mais cela peut aussi devenir une aliénation si cette contrainte n?est plus choisie mais imposée par l?enfant tyrannique qui ne tolère pas d?être nourri par quelqu?un d?autre. Peut-être, pour mieux vivre avec leur enfant, les parents doivent-ils avant tout envisager que le bonheur est possible avec lui, qu?ils y ont droit et ne sont pas «?coupables?» de l?avoir mis au monde.
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