Essayons d'imaginer ce que peuvent ressentir des enfants atteints de polyhandicap , que perçoivent-ils, que voient-ils, qu'expriment-ils ?
?«?Je perçois, je ressens, je sens, je capte?»
Ma bouche n?a jamais fait que des sons bizarres, des mâchonnements, des cris, des pleurs, des grognements, des éclats de rires parfois, des gazouillis, des mots incompréhensibles dans le monde qui m?entoure. Eux, ils font du bruit aussi avec leur bouche, mais ces bruits ont un sens, ce sont des mots compréhensibles par tous, enfin presque tous, pas les étrangers. Moi, le sens des sons, je ne le comprends pas, je ne peux pas le comprendre ou je le comprends à ma façon. Je ressens les mots, je perçois le grave du futile, l?idiotie de la chose intelligente, la bonté, la douceur de la fureur et de la colère. Comment vous expliquer?? Je n?ai pas un sixième sens, je ne suis que sens, sensations. Je perçois, je ressens, je sens, je capte. Mais je ne décode pas les mots compréhensibles et je ne produis que des mots incompréhensibles.
«?Ils disent que je suis bizarre et repoussant?»
Quand on me regarde, le plus souvent j?inspire la surprise, le rejet, la peur, les gens se détournent, leurs mots se taisent. Mais qu?ils parlent ou non, je les entends. Ils disent que je suis bizarre et repoussant et ils regardent autour de moi, ceux qui m?accompagnent comme pour les interroger, «?Je vois bien ce que je vois???». Mais ils ont peur de la réponse, ils se taisent. C?est mieux, car ceux qui m?accompagnent ne les entendent pas comme moi, et ça les rendrait tristes. Et ceux qui m?accompagnent, je les aime. C?est souvent ma mère.
«?Je suis resté comme quand j?étais dans ma maman. Presque.?»
C?est la personne que je ressens le plus, c?est comme si j?étais elle ou qu?elle était moi, enfin pas tout à fait, c?est comme si j?étais une partie d?elle. Mais, vous savez, en fait, je suis bien une partie d?elle, une partie de son intérieur qui un jour a été expulsée hors d?elle. D?habitude cette partie d?une femme qui est expulsée se libère et devient un autre être. Moi je suis bien un être, mais je ne suis pas devenu un autre, je suis resté comme quand j?étais dedans. Presque.
«?Mes yeux ne sont là que pour jouer avec les lumières?»
Je me souviens que je sentais des luminosités, des couleurs, des flashs, ça variait beaucoup, je savais le jour, la nuit. Et aujourd?hui c?est pareil. Je vois des ombres, des lumières, des couleurs, des changements de luminosités, mais pas plus. Je n?ai pas besoin de mes yeux pour voir le sourire sincère, le regard d?amitié, la mimique de dégoût. Mes yeux ne sont là que pour jouer avec les lumières. Je regarde la lampe pendant des heures. J?aime qu?on m?installe devant la télévision. Mes paupières se ferment et s?ouvrent comme elles veulent et c?est rudement amusant? de deviner ce qu?elles font. Quand elles sont fermées, la lumière se cache. Quand elles sont ouvertes, la lumière m?envahit. Je ne contrôle pas. Je laisse faire. Ma mère sait quand j?en ai marre.
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