« J?’essaye de tourner sept fois ma langue dans ma bouche »
06-05-2009
3?heures du matin: sonnerie du téléphone et réveil brutal. Il faut filer à l?’hôpital. Un bébé vient de naître avec un handicap. Dans ces cas-là, je suis en première ligne. Comment faire ? Comment dire mes soupçons ou mes certitudes ?

J?’ai appris sur le tas, comme tous mes collègues pédiatres: ces questions-là n?’ont jamais été abordées au cours de mes études de médecine. J?’ai trouvé la bonne attitude en voyant faire les autres, et parfois en décidant de prendre le contre-pied de ce que j?’observais. J?’ai un souvenir qui date d?’il y a vingt ans. Un patron de pédiatrie avait décidé de ne rien dire aux parents d?’un petit trisomique parce que le bébé, né le vendredi, avait aussi une occlusion et devait être transporté d?’urgence à Marseille. Quand la famille s?’est retrouvée réunie, le lundi, le pédiatre a déclaré tout de go: «?Vous n?’avez pas de chance, déjà votre enfant est trisomique, mais en plus, il a la maladie de Hirschsprung !?»

Je me suis rappelé souvent cette histoire. Je pense qu?’il faut parler aux parents dès que quelque chose nous inquiète vraiment, sans pour autant leur asséner nos prévisions sur l?’avenir. D?’ailleurs, pour un tout-petit, le pronostic est trop aléatoire. ?€ chaque fois, j?’essaie de tourner sept fois ma langue dans ma bouche. Pourtant, certaines nuits, quand la fatigue pèse trop lourd, une phrase malheureuse peut échapper. Cela s?’est produit récemment.

«?Il nous arrive une tuile, votre petit présente des anomalies physiques qui nous font penser à une trisomie.?»

J?’ai revu la maman démoralisée par ce mot, «?tuile?», et je m?’en veux encore de l?’avoir prononcé.

Mon erreur n?’est pas venue d?’un manque d?’empathie, au contraire. Dès le premier coup d?’?œil, ce couple si jeune m?’avait ému. Ils avaient tout juste une vingtaine d?’années. La «?tuile?», ce mot du langage courant que j?’avais cru utiliser pour me mettre à leur place, les a blessés. La plupart du temps, les années d?’expérience nous aident à afficher une apparence sereine, sans toutefois nous blinder. Heureusement sans doute. Je m?’identifie souvent aux parents rencontrés : «?Et si cela m?’arrivait??» Après avoir annoncé un handicap ou une grave maladie, je passe une mauvaise nuit, et j?’en parle dans ma famille. J?’en discute aussi avec les collègues et l?’équipe. Ces habitudes de réflexion autour d?’un café servent à passer le relais après une garde, mais nous avons également besoin de partager ce qui nous a touchés.

Sur le terrain, il faut encaisser et garder une apparence solide. Les parents comptent sur nous, sans réaliser qu?’ils nous mettent parfois à rude épreuve. ?€ la naissance d?’un second enfant après un premier bébé handicapé, leur angoisse est au maximum. Elle me gagne aussi devant un fait anodin, une petite douleur, la sensation que l?’enfant bouge moins. Il faut que je raisonne à froid, que j?’évalue posément les risques entre deux consultations, pour pouvoir les rassurer. Très rarement, à l?’inverse, nos soupçons sont infondés. Pourtant, un jour, j?’ai parlé de handicap à une maman dont la fille avait le visage évocateur d?’un syndrome malformatif. ?€ cette époque, il y a une dizaine d?’années, il fallait attendre un mois pour une confirmation génétique. Le couple, très soudé, a affronté une famille plutôt hostile. Finalement, les examens complémentaires n?’ont rien donné. La petite fille était le portrait craché de son papa. Son visage avait des traits un peu particuliers, mais il ne révélait pas le moindre handicap!

D?’après un récit de J.-C. C., chef d?’un service de pédiatrie générale et de néonatalogie dans un hôpital du Sud-Est de la France et consultant dans un centre pour polyhandicapés.




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therese - annonce ? | 90.35.2.7 | 09-11-2012 11:40:02
puéricultrice dans un service de rea neonat j ai souvent repris des parents defait par une annonce mal faite je commencais par prendre l enfant dans mes bras le montrer sous son coté positif (les yeuxles cheveux les mains les pieds ) puis petit a petit on reprenaitle fil du handicap toujours en appuyant sur le coté positif de l avenir de l enfant puis ce que l on ne sait pas encorec'est tout pour un premier contact que je fais avec le bébé dans mes bras et en le nommant et en fin j invite les parentsa le tenir ou a lui parler
MOSCHETTI Michèle - Le verre à moitié vide ou à mo ? | 78.216.240.97 | 29-08-2012 15:06:44
Bonjour, Notre fils polyhandicapé a 31 ans, et l'annonce par un pédiatre en fin de carrière a eu lieu dans un réduit du service pédiatrie, j'étais assise mais mon mari debout derrière moi. "on ne sait absolument pas ce que deviendra cet enfant (maintenant je sais que cette affirmation au moins etait vraie), probablement sans grandes possibilités,marcher, parler, communiquer sûrement pas ! on lui fait des examens... (sans anesthésie d'ailleurs même pour les plus douloureux) il faut attendre. Ns avons demandé innocemment ce que l'on pouvait faire chirurgie ? traitement ?, non nous a t il répondu vous pouvez le placer ds un établ. que se chargera du nursing.Avec le temps ns avons passé les étapes, on ne se disait pas il ne marche pas, mais "au moins il se déplace assis !" et au lieu d'être déçus de ses non acquisitions, chaque progrés était une victoire pour nous.Mais j'espère que les médecins ont améliorer leurs méthodes d'annonces !Celle ci était dangereuse pour l'avenir de la famille.
ML NEMOZ - et si les professionnels deman ? | 90.14.135.78 | 18-07-2012 14:58:38
cela permettrait, posément, de parler, d'échanger, de créer du lien, de proposer des rencontres avec ces nouveaux parents face à une naissance extra-ordinaire au moins de dire ces bébés sont une réelle opportunité de voir la vie autrement...
Au plaisir de l'échange...
Bernard Isabelle - Annonce Polyhandicap ? | 82.227.213.223 | 23-06-2012 20:45:25
En janvier 97, alors que ma fille avait 6 mois et fesait des crises d'épilepsie non diagnostiquées depuis 4 bons mois, le chef du service de pédiatrie du CHU m'annonce froidement au fond du couloir : "vous vous rendez compte que votre fille est handicapée?, vous vous rendez compte de ce que ça veut dire pour toute votre vie?, ce sera un légume cette enfant ..."
Ben non je me rends pas compte vu que c'est mon premier enfant et que j'ai 21 ans, je connais pas grand chose en fait, ais je pensé... Mais il a fallu que j'encaisse ça toute seule, le papa était en déplacement, et que je fasse avec en plus du fait qu'elle ne se nourrissait plus et semblait à bout de forces.
Bonjour l'angoisse.
Aujourd'hui, 16 ans plus tard, une deuxième enfant handicapée à charge et la grande qui va bien (pour une polyhandicapée), un médecin me parle comme ça... Je l'envoi dans son bureau réfléchir à ses âneries à coups de pieds dans le c...
Je plaisante mais franchement, c'est juste hallucinant quand j'y repense. Entre les lignes, il me conseillait même d'abandonner ma petite...qui allait gâcher ma vie...une honte.
Mais je le plains cet homme qui n'a pas su trouver les mots. C'était lui l'handicapé en fait.
Mais j'en ai rencontré des super depuis des médecins, donc il y a de l'espoir. Il faudrait juste intégrer ces situations dans leur cursus car avec les "progrès" de la médecine, il y a de plus en plus d'enfants sauvés, réanimés, mais à quel prix?
MB - Certains se comportent honteus ? | 78.235.77.16 | 03-03-2010 00:54:05
Lundi, notre bébé en position de siège arrive avec 4 jours d'avance sur la césarienne prévue jeudi. Perte des eaux à la maison sans aucune contraction juste mal aux lombaires. Le cordon descend, on tel à la sage femme pour lui dire qu'il nous semble que le cordon sort, elle nous dit juste venez vite. On file à la clinique, le médecin m'annonce qu'il est pas sur de sortir vivant le bébé, la sage femme panique. Puis à mon réveille le bébé est rénimé, le samu pédiatrique doit doit venir la chercher tombe en panne on rééquipe une ambulance qui arrive 2 heures après pour emmener le bébé en réanimation pédiatrique à 70 km de chez nous.
On ne sait hsi le bébé va survivre.
Le MARDI à , mon gynéco - HONTE SUR LUI - m'annonce ALORS QUE JE SUIS SEULE DANS MA CHAMBRE que le BEBE est en ETAT de MORT CEREBRALE et qu'il faut que par mes propres moyens je me rende à Marseille pour prendre LA DECISION DE LA DEBRANCHER car si elle survivait elle serait en ETAT VEGETATIF. Lors que je lui dis que Dieu seul peut décider de lui reprendre ou pas la vie, il me répond froidement : Madame ça ce ne sont que des dogmes. C'est un goujat car mon mari n'est pas là pour l'annonce d'un si grave nouvelle et on m'a laissé seule avec cette belle conlusion pour tenter de m'oter toute espoir et foi. Aujourd'hui le bébé a 2,5 ans, elle est un rayon de soleil et malgré qu'elle soit atteinte d'IMC, elle amorce la position assise.
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