Isabelle Alonso : « Le handicap me faisait peur » |
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14-12-2010 |
Isabelle Alonso? est essayiste, romancière et chroniqueuse dans les émissions de Laurent Ruquier. Elle vient de publier Maman, aux éd. Héloïse d?Ormesson,?où elle évoque la disparition de sa mère. Pour Déclic, elle s?est livrée sur sa propre expérience du handicap.
Déclic?: Quand avez-vous été confrontée pour la première fois au handicap??Isabelle Alonso?: Durant l?été 1995, une de mes meilleures amies a fait une chute de cheval et a été immobilisée plusieurs mois. Chaque jour, je lui rendais visite dans sa maison de repos et j?y croisais de jeunes accidentés de la route, la plupart en fauteuil et condamnés à y rester. Jusque-là, j?avais une peur bleue des fauteuils roulants, j?étais effrayée par tout ce qui évoquait le handicap, comme s?il s?agissait d?une maladie contagieuse. Et puis cette rencontre a été une révélation?: j?ai perçu chez eux beaucoup d?énergie et une grande lucidité, j?ai été surprise par leur humour et leur gaieté. La chambre de mon amie était devenue une sorte de QG, où ils venaient discuter, faire des blagues. Je me souviens d?un jeune homme qui recevait chaque jour sa petite amie valide. Elle s?asseyait sur ses genoux et il la faisait voyager dans les couloirs. C?était touchant et joyeux : ce n?était pas les victimes éplorées que j?imaginais.
Qu?avez-vous découvert sur le quotidien des personnes handicapées??A l?époque, mon amie était elle aussi dans un fauteuil le temps de sa rééducation, et je la conduisais chaque jour à l?extérieur pour se promener dans le 16ème arrondissement de Paris. C?est là que j?ai découvert le manque d?accessibilité des infrastructures publiques. Tout était compliqué?: monter sur un trottoir, en descendre, passer par une porte, accéder à tel ou tel endroit. J?ai pris conscience du scandale que cela représente, et de la manière dont les pouvoirs publics tournent trop souvent le dos au problème.
Dans votre livre « Maman?», vous évoquez aussi le handicap?
Je parle de la vieillesse, qui peut se rapprocher du handicap, dans le sens où elle se caractérise par une perte des fonctions essentielles. Et là encore on a tendance à éluder la question. On préfère mettre les gens dans des fauteuils en réduisant encore leur autonomie, plutôt que de réfléchir à des solutions pour leur faciliter le quotidien. Comme le handicap, la vieillesse fait peur parce qu?elle nous rapproche des échéances ultimes. Pourtant, quand on accepte de regarder les choses, on se rend compte qu?elles ne sont pas si terribles.
Propos recueillis par Emilie Gilmer
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