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Moqueries et compagnie |
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07-03-2013 |
Il vient de décrocher un stage ou un premier job?? Ouf?! Mais attention, il aura encore un peu besoin de vous?: dans le milieu professionnel circulent parfois des préjugés d?un autre âge?
Ce jour-là, plusieurs jeunes déficients intellectuels sont réunis dans un groupe de parole pour évoquer les moyens de créer des relations avec son entourage, se souvient Sheila Warembourg, consultante diplômée en sexologie. Chacun partage son expérience et ses difficultés, la discussion porte sur le monde du travail, la fierté d?être intégré en milieu ordinaire, quand Lucile, 30 ans, employée dans un service municipal, prend la parole.
«?Elle a commencé à faire part de mots blessants, insultants, que lui assénait régulièrement un de ses collègues, relate Sheila Warembourg. C?était un récit douloureux. Cet homme se moquait d?elle, de sa façon de s?habiller, de sa coiffure, mais aussi de sa façon de travailler.?» Et comme si Lucile avait ouvert la boîte de Pandore, d?autres participants ont raconté le même type de brimades subies sur leur lieu de travail.
Une réussite entachée
Si les chiffres de l?insertion professionnelle progressent d?année en année, l?intégration effective des personnes handicapées ne coule pas toujours de source. Les difficultés peuvent commencer entre les murs de l?IMPro ou de l?ESAT, à l?occasion d?un stage ou d?une formation, sans que votre enfant ne les laisse transparaître?
«?Les parents de l?association organisatrice de ce groupe de parole ont été informés des brimades évoquées au cours de la réunion, précise Sheila Warembourg. Aucun d?entre eux n?en avait jamais entendu parler.?» Pourquoi ce silence?? «?La survenue de moqueries sur le lieu de travail vient entacher un parcours jusqu?ici couronné de succès. Les jeunes concernés préfèrent étouffer le problème par peur de décevoir leur entourage, et particulièrement leurs parents, qui se sont tellement réjouis?», poursuit-elle. Comme si cet obstacle, au fond, remettait en cause leur légitimité et la place qu?ils ont réussi à se creuser dans le monde du travail.
Fragilité contre fragilité
Comment savoir, alors?? Comment provoquer les confessions de son adolescent ou jeune adulte sans qu?il se sente remis en cause?? D?abord, en anticipant les problèmes, c?est-à-dire en faisant de la prévention?! Il est par exemple utile d?aborder le sujet avant les premiers stages, l?entrée en ESAT ou la première embauche en milieu ordinaire. Lui dire que cela peut arriver, et en profiter pour dédramatiser?: «?Ce n?est pas lié à la qualité de ton travail?», «?Ce n?est pas une remise en cause personnelle?», «?Si quelqu?un se moque de toi, c?est parce qu?il ne connaît pas ton handicap ou parce qu?il a aussi des problèmes et qu?il est lui-même fragile.?»
Des mécanismes d?ailleurs analysés par de nombreux psychologues, parmi lesquels Nicole Catheline, auteur d?ouvrages sur le harcèlement?: «?Les comportements de dénigrement d?autrui sont liés aux périodes de fragilité narcissique, dit-elle. Or l?entrée dans le monde du travail en est une dans le sens où l?on doit se définir en tant que personne sociale. On se demande si l?on va être à la hauteur.
Et certains ressentent le besoin de s?affirmer sur le dos d?un individu considéré comme plus faible?
?» Simon, 21 ans, porteur d?une trisomie 21, n?a ainsi jamais autant souffert que lors de son passage en IMPro, quand ses camarades atteints de troubles du comportement l?avaient choisi comme cible.
Se défendre?
mais comment??
«?Ils le traitaient de mongolien, ce qui était une douleur immense pour Simon, raconte Aline Carpentier, sa maman. Il était stressé, il avait des maux de ventre, mais en même temps il avait conscience que ses bourreaux étaient eux-mêmes en difficulté. Je savais qu?il résistait, qu?il leur répondait, qu?il se défendait.?» Se défendre?
?a signifie quoi, au juste, pour un jeune adulte handicapé?? «?Comme pour n?importe quel autre individu, c?est opposer une réponse, quelle qu?elle soit, quand la moquerie survient, indique Nicole Catheline. Une réponse personnelle, sur le ton de l?humour, de la colère, de l?agacement, qu?importe?! Mais une réponse si possible ?habitée?, pas une phrase toute faite, dictée par l?entourage et qui, d?évidence, sonnera faux.?»
Pourtant, une telle capacité de répartie ne se décrète pas, surtout si l?on est déjà fragilisé par le handicap. Du point de vue de la psychologue, elle peut toutefois s?encourager, dès la petite enfance. «?Pour cela, je conseille aux jeunes parents de se faire aider pour que le sentiment de culpabilité soit le moins lourd possible face au handicap, sans quoi ils vont avoir tendance à surprotéger leur enfant. Or un enfant construit ses propres mécanismes de défense en se faisant un peu bousculer, en se confrontant à des obstacles à l?intérieur de la fratrie, avec ses copains?
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Un allié dans la hiérarchieS?il semble ainsi possible de préparer son enfant à se protéger, et éventuellement à répliquer, il ne s?agit pas de le laisser se débrouiller face à une telle situation au travail. «?Je recommande aux parents d?aider leur enfant à identifier dans la hiérarchie une personne capable d?entendre ses difficultés et de prendre les mesures nécessaires?», note Sheila Warembourg. C?est de cette façon que Jérôme, 24 ans, déficient intellectuel et salarié d?un supermarché depuis cinq ans et demi, a réglé son souci avec Nicolas, un jeune homme valide de son âge, employé au même poste que lui?: «?Il voulait souvent m?arroser avec un tuyau d?arrosage, confie-t-il. Je lui disais d?arrêter, mais il disait que c?était une blague. Pourtant, ça ne me faisait pas rire. Moi, je pense qu?il faut être sérieux au travail. J?en ai parlé avec ma manager, Sylviane, et maintenant Nicolas ne m?embête plus.?» Des relations de confiance avec la hiérarchie constituent une soupape de sécurité pour le jeune adulte, mais également pour sa famille. «?Cela nous a beaucoup rassurés de savoir que Jérôme n?était pas livré à lui-même en cas de problème, confirme Gilbert, son papa. Forcément, nous vivons les choses de manière plus sereine.?»
Témoignage
Sylvie est la maman de Romain, 25 ans, porteur d?une trisomie 21, employé à mi-temps depuis juin?2005 dans un service d?espaces verts.
«?Romain a eu un problème avec un collègue de travail qui le prenait pour le larbin de service. Non seulement il s?adressait à lui avec mépris, mais il lui ordonnait d?exécuter les tâches ingrates que les autres refusaient de faire. Par ailleurs, il profitait de toutes les occasions pour le rabaisser?: quand il faisait mauvais temps, par exemple, il se mettait à l?abri dans le local et Romain restait sous la pluie. Ce jeune homme avait le même âge que mon fils, et manifestement il ne supportait pas l?idée qu?ils soient mis sur un pied d?égalité. Heureusement, Romain a réagi. Il m?a décrit ce qui se passait et m?a demandé conseil. Je lui ai dit de tout raconter à sa chef de service, car je ne voulais pas intervenir directement. J?ai considéré qu?il était capable de se sortir seul de cette impasse, cela ne lui aurait pas rendu service que je sois sur son dos. Et la manager a pris les mesures nécessaires?: le jeune homme indélicat a changé d?équipe.?»
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